Après une mastectomie, la reconstruction mammaire améliore l’image corporelle et la qualité de vie, mais le temps de la cicatrisation nécessite une attention particulière. La reconstruction qu’elle soit immédiate ou différée impose une surveillance et des décisions rapides en cas d’alerte. Cet article synthétise les repères clés pour les soignants experts : facteurs de risque, signes précoces et conduites à tenir en cas de troubles cicatriciels pour sécuriser le parcours.
Au sommaire
- Qu’est ce que la reconstruction mammaire ? Ses objectifs et le suivi
- Intervetion immédiate ou différée ?
- Quelles sont les techniques chirurgicales ? Prothèse, expandeur, lambeaux (DIEP)
- Quelle surveillance précoce pour les cicatrices ?
- Quelles sont les complications précoces des cicatrices ?
- Infections et implant
- Quelles sont les complications cutanées intermédiaires et tardives ?
- Quelles prévention effectuer et comment optimiser la période péri-opératoire ?
- Quels dispositifs pour améliorer l’aspect esthétique ?
- Radiothérapie et reconstruction mammaire : quel délai et quelle séquence adopter ?
- FAQ – Reconstruction mammaire & cicatrisation
- Références
Qu’est ce que la reconstruction mammaire ? Ses objectifs et le suivi
La reconstruction après cancer vise à restaurer forme et volume du sein après mastectomie, avec un impact attendu sur l’image corporelle et la qualité de vie.
La décision est partagée, s’inscrivant dans un parcours pluridisciplinaire de soins post-opératoires.
Le suivi post-mastectomie doit être expliqué : l’information doit être claire, nuancée et adaptée au projet thérapeutique.
Intervention immédiate ou différée ?
Deux stratégies sont possibles : immédiate (dans le même temps que la mastectomie) ou différée (après traitements adjuvants comme la chimiothérapie/radiothérapie ou l’optimisation des facteurs de risque).
Quelles sont les techniques chirurgicales après mastectomie ? Prothèse, expandeur, lambeaux (DIEP)
La reconstruction par implant comprend la reconstruction mammaire par prothèse (un temps) ou un protocole en deux temps avec
expandeur mammaire avant la prothèse définitive.
Les lambeaux autologues (dont DIEP) apportent du tissu vascularisé : Le tissu vivant prélevé chez la patiente (peau ± graisse, parfois muscle), est déplacé pour reconstruire le sein. Le lambeau conserve sa vascularisation. Il est soit relié par un pédicule intact (lambeau pédiculé), soit rebranché sur des vaisseaux du thorax en microchirurgie (lambeau libre, p. ex. DIEP). Objectif : apporter un volume et une couverture de bonne qualité, notamment en terrain irradié, sans implant.
Quelle surveillance précoce pour les cicatrices ?
Surveiller la cicatrice de mastectomie : couleur, chaleur, douleur, écoulement, tension cutanée.
La prise en charge des plis, zones de souffrance ou de tension cutanée doit suivre le protocole du chirurgien.
Le suivi de la cicatrice de mastectomie s’effectue en période précoce (J1–J15) puis jusqu’à stabilisation.
Quelles sont les complications cutanées précoces les plus fréquentes ?
Désunion nécessitant des pansements adaptés (alginates de calcium/hydrofibres/hydrocellulaires), suture dirigée ou cicatrisation dirigée selon la profondeur.
Nécrose cutanée : délimitation, soins locaux, débridement. Une reprise éventuelle est proposée si l’atteinte est profonde.
Sérome : ponctions itératives, prescription de vêtements compressifs, et prévention.
Hématome : évacuation chirurgicale si tension douloureuse.

Infections et implant
Les tableaux superficiels nécessitent une antibiothérapie adaptée et des soins locaux.
Les pansements indiqués sont les alginates de calcium, pansement au DACC, pansements à l’Ag, hydrofibres, pansements superabsorbants. Les pansements occlusifs doivent être impérativement évités. Les solutions antibiofilms comme le PRONTOSAN ® ou l’OCTENIDINE ® peuvent être proposées. Dans ces circonstances, les soins locaux sont obligatoirement quotidiens.
En cas d’atteinte profonde autour d’un implant, un lavage chirurgical avec changement ou ablation peut être proposé selon le timing et les résultats bactériologiques.
Le sauvetage d’implant reste envisageable dans certaines situations précoces et contrôlées.

Quelles sont les complications cutanées intermédiaires et tardives les plus fréquentes ?
Intermédiaires (1–6 mois). Douleurs et troubles sensitifs (hypo-/dysesthésies), nécrose graisseuse, anomalies de forme ou de volume,
asymétries ou ptose du sein reconstruit. Après lambeau autologue, surveiller le site donneur (défaut de fermeture, protrusion/hernie abdominale selon le type de lambeau).
Adaptation de la prise en charge : antalgiques, rééducation, retouches limitées si gênes fonctionnelles ou esthétiques invalidantes.
Tardives (> 6 mois) :
cicatrices pathologiques : hypertrophiques et chéloïdes sur cicatrices de mastectomie ou de site donneur. Prévention : réduction des tensions, prise en charge des facteurs locaux. Place des dispositifs siliconés et pressothérapie selon protocole. Infiltrations, retouches prudentes, techniques adjuvantes selon disponibilité.
En cas d’implant : coque périprothétique (douleur, rétraction, déformation), ondulations, malposition/rotation. Rupture et sérome tardif ou infection à bas bruit. La conduite est graduée : imagerie si doute, ponction/culture pour un liquide tardif.
Discussion de capsulotomie/capsulectomie, changement ou ablation d’implant selon le cas.
En pratique : informer les patientes des signes d’alerte et des délais de consultation. Suivi à moyen et long terme, surtout en terrain irradié ou en cas de facteurs de risque.

Quelles prévention effectuer et comment optimiser la période péri-opératoire ?
Plusieurs facteurs bien identifiés majorent le risque de complications : tabac, IMC élevé, diabète, âge, antécédents de radiothérapie.
La prévention comprend sevrage tabagique, contrôle glycémique, optimisation nutritionnelle et un bon timing opératoire.
Au bloc opératoire : atraumatisme tissulaire, hémostase, drainage raisonné, prophylaxie selon protocole.
Quels dispositifs pour améliorer l’aspect esthétique ?
Des dispositifs de symétrisation peuvent être proposés, comme le mamelon silicone cancer. Ces choix doivent rester cohérents avec le projet chirurgical et les attentes de la patiente.
Radiothérapie et reconstruction mammaire : quel délai et quelle séquence adopter ?
La radiothérapie post-mastectomie impose une reconstruction différée. Elle est de 12 à 18 mois après la fin de la radiothérapie, permettant aux tissus de récupérer de la fibrose induite.
Paradoxalement, les complications sont minimales dans les 3 premiers mois ou après 24 mois, la période de 3 à 6 mois présentant le risque le plus élevé (près de la moitié des complications).
Trois séquences thérapeutiques sont possibles : la reconstruction différée (taux de complications le plus faible), l’utilisation d’expandeurs avec échange tardif après radiothérapie (compromis acceptable), ou la séquence inversée avec radiothérapie néoadjuvante (protocole émergent), c’est à dire après reconstruction.
La radiothérapie après reconstruction entraîne des complications spécifiques : contracture capsulaire, infections majorées, et échec reconstructif dans 1/4 des cas pour les implants. Elle altère aussi la qualité de la peau compliquant l’insertion d’un implant ou la réalisation d’un lambeau. Les autres complications sont : retard de cicatrisation, nécrose cutanée, fibrose et cicatrice hypertrophique.
L’échange expandeur-implant définitif doit attendre au minimum 6 mois après radiothérapie pour minimiser les désunions cicatricielles. Les évolutions vers la radiothérapie hypofractionnée (16 / 25 séances) n’augmentent pas les complications et améliorent la tolérance, optimisant ainsi la séquence thérapeutique.
FAQ – Reconstruction mammaire & cicatrisation
Quelle reconstruction après une mastectomie ?
Trois approches principales : implant (pré- ou sous-pectoral, souvent avec matrice), lambeau autologue (DIEP, grand dorsal, PAP…) et lipofilling (souvent en complément). Le choix dépend de la qualité tissulaire (irradiation ?), des comorbidités (IMC, diabète, tabac), des préférences de la patiente, et de l’expertise de l’équipe. En terrain irradié, on privilégie souvent le lambeau pour apporter des tissus bien vascularisés.
Quel est le temps moyen de cicatrisation après une reconstruction, et comment optimiser la guérison ?
Peau/plaie : environ 2–3 semaines pour l’épithélialisation (si fermeture primaire), 4–6 semaines pour une cicatrice « mûre » initialement. Tissus profonds : remodelage 6–12 semaines (implant), 8–12 semaines (lambeau) avec consolidation progressive. Optimiser : arrêt du tabac ≥4 sem avant/après, contrôle glycémique, apport protéique suffisant, gestion des volumes (expanseur), prévention sérome/hématome (drains, compression), pansements adaptés, Thérapie par pression négative si risque élevé.
Quels sont les facteurs de risque de retard de cicatrisation et comment les prévenir ?
Principaux facteurs : radiothérapie, tabagisme, IMC ≥ 30, diabète mal équilibré, dénutrition, grandes tensions cutanées, durée opératoire longue. Prévenir : sevrage tabagique, optimisation pondérale et nutritionnelle, planning opératoire (immédiate vs différée), technique atraumatique, évaluation per-op de la perfusion (ICG, thermographie), antibioprophylaxie, drains, TPN ciblée.
Quelles sont les complications locales à surveiller ?
Précoces (J0–J30) : hématome, sérome, infection du site opératoire, désunion/déhiscence, nécrose cutanée ou du complexe aréolo-mamelonnaire, souffrance de lambeau. Tardives : extrusion d’implant, nécrose graisseuse, cicatrices hypertrophiques/chéloïdes, coque capsulaire (implant), complications du site donneur (sérome, hernie abdominale, faiblesse dorsale).
Quels soins locaux et crèmes utiliser pour améliorer souplesse et apparence des cicatrices, et quand ?
Après fermeture complète (en général à 2–3 semaines) : hygiène douce, hydratation quotidienne (crème neutre non parfumée), gel/feuilles de silicone 12–24 h/24 pendant 8–12 sem pour prévenir l’hypertrophie, massages cicatriciels progressifs dès que non douloureux (≈3–4 sem). Photoprotection SPF 50+ ≥ 6 mois. En cas d’irritation adhésifs : privilégier les interfaces siliconées.
Quel est l’impact d’une radiothérapie ou chimiothérapie sur la cicatrisation, et le moment optimal pour la reconstruction ?
Radiothérapie : fragilise la peau (fibrose, ischémie), augmentation nécrose, désunion, infection et coque capsulaire avec implant. Le plus sûr : mastectomie → (éventuel expanseur) → radiothérapie → reconstruction différée après 6–12 mois. Chimiothérapie : possible retard de cicatrisation ; on espace la chirurgie de reconstruction d’environ 4–6 sem après la dernière cure.
Quels exercices de kinésithérapie sont recommandés ?
Phase précoce (J2–J10) : respiration diaphragmatique, mobilisation douce main-coude-épaule sous la douleur, posture/scapula. Phase intermédiaire (sem 3–6) : amplitude progressive (bâton, mur), glissements scapulaires, étirements pectoraux doux, auto-drainage si œdème. Phase tardive (après 6 sem) : renforcement léger ceinture scapulaire, proprioception. Adapter si lambeau abdominal (gainage progressif, éviter efforts 6–8 sem).
Quelle surveillance post-opératoire, à quelle fréquence, et quels signes d’alerte ?
Rythme type : J7–J10 (pansements, retrait fils/drains), 1 mois, 3 mois, 6 mois, 12 mois, puis annuel. Alerte urgente : fièvre >38 °C, sein rouge et douloureux, écoulement purulent, désunion qui s’élargit, apparition d’une zone violacée/noirâtre (ischémie), douleur brutale avec tuméfaction (hématome), implant visible/palpable sous peau amincie, décoloration/refroidissement d’un lambeau.
Quelles complications de cicatrisation sont les plus fréquentes après reconstruction ?
Infection du site opératoire, désunion/déhiscence, nécrose cutanée, sérome, hématome. Complications majeures plus rares : exposition/perte d’implant, perte partielle de lambeau.
Quelles sont les séquelles possibles d’un lambeau ?
Sein : nécrose graisseuse (nodules), irrégularités de contour. Site donneur : cicatrice visible, sérome, paresthésies, faiblesse pariétale/hernies (abdominal), réduction de force/raideur (grand dorsal), douleur chronique.
Combien de temps après une mastectomie peut-on reconstruire ?
Immédiate (au temps de la mastectomie) si oncologiquement et techniquement favorable. Différée : en pratique 3–6 mois après fin de la chirurgie/chemo simple ; après radiothérapie, attendre classiquement 6–12 mois selon l’état tissulaire.
Radiothérapie : risques spécifiques et adaptation de la surveillance ?
Augmentation désunion/nécrose, infection, coque capsulaire (implant), nécrose graisseuse (lambeau). Surveillance rapprochée les 6–8 premières semaines : contrôle de la perfusion cutanée (couleur, chaleur, douleur), détection précoce des collections, bas seuil pour reprise/lavage. En prévention : différer la reconstruction, préférer lambeau si peau très irradiée, utiliser TPN sur incisions à risque, évaluer la perfusion per-op (ICG/thermographie).
Références
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- Centre Léon Bérard. Reconstruction mammaire après cancer : nos experts répondent à vos questions. Lien
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- The influence of neoadjuvant chemotherapy on complications of breast reconstruction. Lien
- Centre Léon Bérard. « La reconstruction mammaire. » 2022-09-30. https://www.centreleonberard.fr/patient-proche/cancer-pris-en-charge/cancer-du-sein/reconstruction-mammaire
- Institut du Sein. « Reconstruction mammaire secondaire ou différée. » https://www.institut-du-sein.fr/reconstruction-mammaire-secondaire-ou-differee
- PubMed. « The Impact of Timing of Delayed Autologous Breast. » 2024-04-30. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37751883/
- IFSEIN. « Reconstruction Mammaire Immédiate : la règle, pas l’exception. » 2017-01-06. https://www.ifsein.com/post/2017/01/07/reconstruction-mammaire-immediate-la-regle-pas-lexception
- MDPI. « Incidence and Risk Assessment of Capsular Contracture in Breast Cancer Patients following Post-Mastectomy Radiotherapy and Implant-Based Reconstruction. » 2023-12-31. https://www.mdpi.com/2072-6694/16/2/265