Cannabis et artériopathie oblitérante des membres inférieurs : plaie nécrotique du sujet jeune

Cannabis et plaie des membres inférieurs : un danger sous-estimé

Le cannabis est souvent perçu comme inoffensif, pourtant il peut provoquer une artérite oblitérante des membres inférieures distale grave, notamment chez le sujet jeune. Ce cas clinique d’ischémie digitale souligne les dangers d’une consommation chronique associée à une plaie infectée.

Cas clinique

  • Contexte
    Homme de 45 ans, plaie ulcérée du 3ᵉ orteil post-ablation de botriomycome.
  • Signes cliniques
    Ulcération pulpaire avec exposition osseuse ; 2ᵉ orteil douloureux. Pression systolique à 32 mmHg = ischémie critique chronique. (Ischémie digitale).

Facteurs de risque et diagnostic

  • Fumeur (10 cig/j) et cannabis quotidien depuis 25 ans.
  • Artériographie : désert vasculaire sans arcade plantaire.
  • Diagnostic : artérite aiguë/chirurgicale, imputable au cannabis.

Prise en charge

  • Résection de l’orteil infecté.
  • Tentative de revascularisation échouée.
  • Vasodilatation par Ilomedine : cicatrisation en 2 mois.
  • Arrêt complet du tabac et cannabis.
  • Chaussage ultra‑souple et mobilisation pour favoriser la circulation collatérale.

Prévention & suivi

  1. Soins locaux + décharge.
  2. Réinterroger régulièrement sur consommation de cannabis.
  3. Revascularisation si possible, sinon vasodilatation.
  4. Encourager la marche et choisir un chaussage adapté.
  5. Protéger les extrémités ; consulter dès la première plaie sous-genou.

Conclusion : mise en garde sur les risques potentiels liés à la consommation de cannabis

Le cannabis n’est pas neutre pour la cicatrisation. Il peut induire une artérite sévère, une ischémie critique, voire une amputation.

👉 En cas de plaie nécrotique chez un sujet jeune, pensez systématiquement à interroger la consommation de cannabis et tabac.

3 raisons de biopsier une plaie dès aujourd’hui

La biopsie cutanée de plaie est un geste technique médical courant, mais parfois sous-utilisé. Elle peut pourtant changer totalement la stratégie thérapeutique en cas de plaie chronique, atypique ou suspecte.

Pourquoi biopsier une plaie ?

Dans certains cas, seul l’examen histologique permet :

  • D’identifier une cause tumorale (carcinome épidermoïde)

  • De détecter une infection profonde avec précision

  • D’éliminer des causes rares (vascularite, pyoderma gangrenosum, infections atypiques, etc…)

Quels signes doivent alerter ?

  • Absence de cicatrisation après 6 semaines malgré soins adaptés

  • Douleur inexpliquée

  • Bourgeon charnu ou infiltré

  • Nécrose sans cause vasculaire

  • Plaie sur terrain immunodéprimé ou cancéreux

  • Localisation atypique (au-dessus du genou…)

  • Plaie trainante depuis plus de 6 mois

Comment réaliser une biopsie de plaie ?

Matériel :

  • Punch ≥4 mm (souvent 2 à 3 prélèvements)

  • Bistouri si nécessaire

Anesthésie :

  • Lidocaïne seule ou associée à l’adrénaline (sauf extrémités : doigts, orteils, nez, verge)

Prélèvement :

  • Toujours après désinfection rigoureuse

  • En périphérie de la plaie

  • Zone active si doute clinique

Trois grands cas cliniques

1. Suspicion tumorale

Biopsie des berges et zones hypertrophiques. Fixation au formol, envoi en anatomopathologie.

2. Suspicion infectieuse

Biopsie profonde après détersion. Rinçage au sérum physiologique. Envoi en bactériologie dans un flacon stérile (sans formol).

3. Ulcère atypique ou rare

Recherche de vascularite, pyoderma, calciphylaxie, infection par mycobactéries ou parasites. Biopsie de la bordure active.

Risques et contre-indications

  • Risques : saignement, douleur post-acte, cicatrisation retardée

  • Contre-indications relatives : zones irradiées, mal vascularisées, patients sous AOD, extrémités (doigts, nez), zones proches d’un os ou matériel


👉 Une biopsie bien réalisée oriente la prise en charge et peut éviter des mois d’errance thérapeutique.

Ulcère sur nécrobiose lipoïdique : reconnaître et traiter une plaie diabétique atypique

L’ulcère du patient diabétique ne se résume pas aux causes veineuses ou artérielles.

La nécrobiose lipoïdique, dermatose rare mais sous-estimée, peut entraîner des ulcères à fort potentiel de chronicisation. Cet article vous aide à en identifier les signes, à adapter vos soins et à éviter des erreurs fréquentes.

Qu’est-ce que la nécrobiose lipoïdique ?

Une dermatose inflammatoire chronique

Elle touche le derme et l’hypoderme et se caractérise par des dépôts lipidiques et une inflammation granulomateuse. La physiopathologie reste mal élucidée.

Liens avec le diabète

Jusqu’à 90 % des patients atteints sont diabétiques. L’incidence reste faible (0,3 à 2 %), mais le diagnostic est essentiel pour éviter les ulcérations.

Comment reconnaître une plaque de nécrobiose ?

  • Forme : plaque ovalaire, bordure rouge surélevée, centre jaunâtre et atrophique

  • Localisation : faces antéro-internes des jambes

  • Évolution possible : ulcération, surtout après un choc mineur

Précautions spécifiques en cas d’ulcère

Détersion et nettoyage

➡️ Soins très doux sans frotter
➡️ Éviter curettage, compresses adhérentes ou pansements traumatiques

Choix du pansement

  • Interfaces silicone ou hydrofibres

  • Pas d’adhésif collé à la peau lésée

  • Compression légère si artères perméables (IPS ≥ 0,8)

Application de dermocorticoïdes

➡️ Appliquer uniquement sur la bordure rouge inflammatoire, jamais sur le centre atrophique

Coordination interprofessionnelle essentielle

  • Infirmière : éducation, surveillance, soins atraumatiques

  • Dermatologue : confirmation diagnostique (biopsie) et orientation thérapeutique

  • Médecin traitant : prise en charge globale du diabète et des comorbidités

Conclusion

Reconnaître une nécrobiose lipoïdique permet d’éviter un traitement inadapté et de prévenir la chronicisation de plaies atypiques. La coordination des soins et la connaissance des gestes justes font toute la différence.

10 questions indispensables pour bien traiter une plaie du membre inférieur

Introduction

Les plaies des membres inférieurs peuvent avoir de multiples causes. Une mauvaise identification des facteurs sous-jacents peut entraîner un retard de cicatrisation ou des complications sévères.

Dans cet article, nous vous proposons 10 questions essentielles à poser lors de l’évaluation d’une plaie, afin d’assurer une prise en charge optimale et personnalisée.

1. Y a-t-il une artériopathie des membres inférieurs ?

L’artériopathie est une cause majeure de retard de cicatrisation.
📌 Examen clinique :

  • Palpation des pouls périphériques
  • Recherche de signes cliniques secondaires
  • Mesure des IPS et IPSO
  • Écho-doppler artériel

2. Y a-t-il une hyperpression veineuse ?

Deux origines possibles :
Hyperpression veineuse centrale : insuffisance cardiaque, rénale ou hépatique sévère
Hyperpression veineuse périphérique :

  • Insuffisance veineuse superficielle (varices)
  • Insuffisance veineuse profonde (syndrome post-phlébite)
  • Insuffisance veino-lymphatique (troubles de la marche, raideur ou ankylose de cheville, obésité, chirurgie des MI récente…)

3. Y a-t-il une infection ?

L’infection peut être locale, loco-régionale ou générale.

Il est essentiel d’évaluer également les signes d’infection ostéo-articulaire associée.

4. Y a-t-il un problème d’appui ?

Certains troubles neurologiques favorisent l’apparition de plaies chroniques, notamment :

  • Neuropathie diabétique périphérique
  • Autres troubles neurologiques affectant la marche

5. Y a-t-il un problème de nutrition ?

Un état nutritionnel dégradé ralentit la cicatrisation.
🔎 Vérifications :

  • Évaluation par le Mini Nutritional Assessment (MNA)
  • Recherche de carences vitaminiques (notamment vitamine C)

6. Y a-t-il des comorbidités associées ?

Certaines pathologies aggravent les plaies :

  • Obésité, diabète
  • Dialyse (risque de calciphylaxie)
  • Cancer sous traitement (vascularite, infection, métastases ulcérées)
  • Maladies auto-immunes et inflammatoires (vascularite, pyoderma gangrenosum)
  • Médicaments provoquant des ulcères : Hydrea, Nicorandil, Methotrexate, etc…
  • Médicaments influençant la cicatrisation (immunosuppresseurs, immunomodulateurs corticoïdes, AINS prolongés)

7. Y a-t-il un aspect atypique ?

Une plaie non conventionnelle doit faire suspecter :

  • atypie de la plaie : ulcère tumoral, angiodermite nécrotique, pyoderma gangrenosum
  • granulome inflammatoire après désunion chirurgicale : infection post-chirurgicale ou réaction à un corps étranger (fils)
  • Anomalies de la peau périlésionnelle : bulles, pustules, purpura, livédo, nécroses multiples, micro-abcès, nodule (tumeur). 

8. Y a-t-il des facteurs sociaux ?

L’environnement du patient impacte la prise en charge :
🏚️ Logement insalubre, précarité
😞 Isolement, dépression

9. Y a-t-il un contexte particulier de survenue ?

🦟 Retour de pays tropicaux : suspicion de parasites ou de germes atypiques
🩸 Peau noire : risque accru de drépanocytose

10. Y a-t-il une origine traumatique ?

  • Déchirure cutanée,
  • hématome disséquant
  • Morsures, piqûres d’insectes
  • traumatisme minime avec lésion extensive : angiodermite nécrotique, pyoderma gangrenosum

Conclusion

L’évaluation rigoureuse d’une plaie du membre inférieur repose sur un questionnement structuré et une analyse approfondie. Ces 10 questions essentielles permettent d’optimiser la prise en charge et d’accélérer la cicatrisation.

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Complications cutanées : les conséquences méconnues des drogues

La peau est l’un des organes les plus touchés par les intoxications, en particulier celles liées aux drogues. Certaines voies de consommation entraînent des complications cutanées aiguës et chroniques, souvent méconnues, mais aux conséquences parfois graves.

Dans cet article, nous abordons les impacts des drogues injectables et du cannabis sur la peau, ainsi que les complications associées.

 

1. Sites d’Injection et Évolution

Les sites d’injection évoluent au fil des années d’utilisation :

  • Dès le début : pli du coude
  • Après 2 ans : avant-bras, bras
  • Après 4 ans : dos de la main
  • Après 5 ans : cou, pieds, jambes
  • Après 10 ans : aine, orteils, doigts

⚠️ Cas extrêmes : injection dans des ulcères ou granulomes cutanés lorsque tout le réseau veineux est inutilisable voire dans la veine du dos de la verge.

2. Complications Aiguës : Les Infections

Les infections sont les complications les plus fréquentes des drogues injectables, souvent causées par :

  • Le partage d’aiguilles
  • L’utilisation de salive dans les rituels de préparation

Exemples de complications :

  • Abcès
  • Cellulite
  • Fasciite nécrosante

⚠️ Cas rares : faux anévrisme ou anévrisme mycotique, souvent infecté, apparaissant comme une masse inflammatoire sur un trajet artériel.

3. Ulcères et Nécrose

🔴 Ulcères nécrotiques douloureux : Ces ulcères peuvent apparaître après une injection, en quelques heures seulement. Ils sont causés par :

  • Vasoconstriction
  • Thrombose vasculaire
  • Nécrose tissulaire liée à la toxicité des drogues

Signes précurseurs :

  • Cyanose
  • Livedo
  • Phénomène de Raynaud

4. Complications Chroniques

⏳ Les injections répétées entraînent des dommages irréversibles :

  • Sclérose des veines
  • Incontinence valvulaire
  • Insuffisance veino-lymphatique précoce
  • Thromboses veineuses profondes

5. Marques Cutanées Visibles

Les conséquences des injections répétées incluent :

  • Hypopigmentation linéaire
  • Cicatrices linéaires
  • Tatouages accidentels dus aux dépôts de pigments dans le derme
  • Ulcères cutanés persistants
  • Skin popping : cicatrices ovalaires et atrophiques

6. Puffy Hand Syndrome et Autres Atteintes Graves

🚨 Puffy Hand Syndrome : Un œdème lymphatique chronique des mains et des doigts, persistant même après l’arrêt des drogues.

🔴 Autres atteintes graves :

  • Artérite distale : désert vasculaire, souvent lié au cannabis
  • Fibrose et atrophie cutanée

Conclusion : Informer pour Mieux Agir

Les complications cutanées liées aux drogues sont graves, souvent irréversibles, et nécessitent une prise en charge précoce.

En tant que professionnels de santé, il est crucial d’être informé pour identifier rapidement ces signes et orienter les patients vers les soins adaptés.

Tour d’horizon des ulcères de jambe méconnus

Tour d’horizon des ulcères de jambe méconnus

En dehors des principaux ulcères, comme les ulcères veineux et artériels, ainsi que des ulcères liés à des micro-angiopathies comme l’angiodermite nécrotique, il existe d’autres causes d’ulcères.

Découvrez les différents types d’ulcères en fonction de leur fréquence de survenue.

Plongez dans ce carrousel d’été et élargissez ou révisez vos connaissances médicales !