Angiodermite nécrotique (ulcère de Martorell) : signes, diagnostic, traitement
L’angiodermite nécrotique est un type d’ulcère ischémique particulièrement douloureux du membre inférieur, souvent confondu avec d’autres plaies chroniques de jambe. Cette pathologie, encore trop souvent méconnue, nécessite une prise en charge spécifique et rapide. Découvrez comment l’identifier, la différencier et la traiter efficacement en pratique clinique, la greffe restant le traitement le plus efficace.
Qu’est-ce que l’angiodermite nécrotique ?
L’angiodermite nécrotique (aussi appelée « angiodermite nécrosante », « ulcère de Martorell », « ulcère suspendu », « ulcère hypertensif », vasculopathie livedoïde) est une plaie cutanée ischémique liée à une microangiopathie artériolaire des membres inférieurs. Elle est due à une occlusion des petites artères du derme, dans un contexte d’hypertension artérielle ancienne, parfois de diabète ou d’insuffisance veineuse chronique.
Quelle est la cause de l’angiodermite nécrotique ?
L’origine précise de cette maladie reste mal connue : on suspecte un rôle central des atteintes vasculaires (microangiopathie hypertensive), mais d’autres facteurs sont probablement impliqués.
Quel est le terrain de l’angiodermite nécrotique ?
Bien que l’angiodermite nécrotique soit souvent présentée comme une maladie rare, elle peut représenter jusqu’à 10 à 15 % des ulcères de jambe dans certaines études. Elle atteint en priorité les femmes de plus de 65 ans, mais peut aussi toucher les hommes. Le terrain vasculaire est constant : hypertension artérielle ancienne, diabète, parfois insuffisance veineuse. La bilatéralité et la symétrie sont possibles : une même lésion peut se développer sur les deux jambes. Il n’y a jamais d’angiodermite nécrotique au-dessus du genou ou au niveau du pied.
Quels sont les signes cliniques typiques ?
- La lésion démarre généralement après un traumatisme minime à la jambe.
- Elle débute par une rougeur, évolue vers un aspect violacé, puis une nécrose cutanée avec formation rapide d’une ulcération extrêmement douloureuse.
- La douleur est d’emblée intense et permanente, même la nuit, sans position de soulagement.
- L’ulcération s’étend de façon centrifuge, à partir d’une bordure rouge et violacée (livédo).
- L’évolution peut être aggravée par le frottement ou une détersion agressive, traduisant un phénomène de pathergie.
Comment diagnostiquer l’angiodermite ?
Le diagnostic est avant tout clinique.
À l’examen, la plaie est nécrosée, à bords nets, peu exsudative, souvent localisée sur la partie antéro-externe du tibia, parfois de manière bilatérale et symétrique. Elle peut aussi se situer en regard de la zone achilléenne (exemple : suite à un frottement sur le talon d’une chaussure). La périphérie violacée (« livédoïde ») est caractéristique.
Un bilan doppler artériel des membres inférieurs est indispensable : il permet d’exclure une artérite sévère.
Quelle est la place de la biopsie ? Elle est proposée en cas de doute diagnostic.
Quels sont les diagnostics différentiels ?
- Ulcère artériel : terrain d’artériopathie, localisation plutôt au pied ou aux orteils, absence de microangiopathie
- Pyoderma gangrenosum : ulcère très inflammatoire, bords violacés, contexte de maladie systémique
- Ulcères veineux : bords irréguliers, exsudat abondant, douleur moins intense
- Nécrose cutanée d’autres origines : calciphylaxie en cas d’insuffisance rénale chronique sévère
Le patient peut parfois avoir une insuffisance veineuse associée ou une artériopathie oblitérante des membres inférieures mais celle-ci ne doit pas être suffisamment sévère pour expliquer la présence de l’angiodermite nécrotique.
Tableau résumé des diagnostics différentiels
| Diagnostic | Localisation | Douleur | Terrain | Aspect de la plaie |
|---|---|---|---|---|
| Angiodermite nécrotique | Tibia antéro-externe mais jamais au dessus du genou et au niveau du pied | Intense, permanente | Femme >65 ans, HTA, diabète | Nécrose noire, bords nets, extension centrifuge, livedo périphérique |
| Ulcère artériel | Pied, orteils, suspendu | Intense | Artériopathie | Nécrose sèche, creusante |
| Pyoderma gangrenosum | Jambe, périostéal | Variable | Maladie systémique | Bords violacés, très inflammatoire |
| Ulcère veineux | Plutôt malléolaire | Modérée | Insuffisance veineuse | Bords irréguliers, exsudat |
| Calciphylaxie cutanée | Jambe, cuisse | Très douloureux | IRC sévère | Nécrose, calcifications sous-cutanées |
Quels sont les facteurs favorisants ?
L’angiodermite nécrotique est surtout liée à une microangiopathie hypertensive, secondaire à une HTA ancienne. Les facteurs de risque : hypertension artérielle, diabète, âge avancé, insuffisance veineuse, obésité.
Des facteurs favorisants : traumatisme même minime, friction, parfois gestes de soins inadaptés (détersion agressive). Attention à la calciphylaxie cutanée chez les patients en insuffisance rénale chronique sévère : le diagnostic différentiel est parfois difficile.
Comment soigner une angiodermite nécrotique ?
Séquence du traitement
- Repos +++ et traitement efficace de la douleur (antalgiques palier II/III) en premier lieu
- Greffe précoce +++ : traitement principal, permettant un soulagement rapide de la douleur et un arrêt de la poussée
- Soins locaux : pansements doux, éviter toute friction ou détersion agressive (phénomène de pathergie).
- La douche n’est pas contre-indiquée, à condition de respecter un faible débit
- Compression non recommandée
- Contrôle strict de la tension artérielle et correction des facteurs de risque cardiovasculaires
- Traitements complémentaires possibles : corticoïdes topiques forts, thérapie par pression négative, PRP en gel, matrices dermiques, anticoagulants (en cours d’évaluation), électrothérapie (prometteuse)
- Prévention des complications : surinfection : prélèvement bactériologique, antibiothérapie adaptée si besoin
- Prise en charge pluridisciplinaire (médecin, infirmier expert en plaies, dermatologue, chirurgien plasticien)
Quelles sont les indications d’hospitalisation ?
L’hospitalisation est souvent nécessaire en cas de lésion étendue ou de douleur incontrôlable.
La stratégie thérapeutique dépend de l’ancienneté de la plaie et de la réponse au traitement. Des traitements spécialisés peuvent être nécessaires pour obtenir la cicatrisation complète.
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Quelles sont les complications possibles et l’évolution ?
Comme toute plaie chronique, l’angiodermite nécrotique expose à plusieurs complications :
- Surinfection bactérienne : le risque de surinfection locale est élevé, surtout chez les patients fragiles. Un prélèvement bactériologique est indiqué devant tout signe clinique d’infection.
- Douleur chronique invalidante : la douleur peut persister longtemps et altérer la qualité de vie, nécessitant parfois une prise en charge antidouleur spécialisée.
- Retard de cicatrisation : certaines lésions évoluent lentement malgré une prise en charge optimale, notamment en cas de terrain défavorable (diabète, âge avancé).
- Extension ou récidive : l’ulcère peut s’étendre de façon centrifuge, ou réapparaître sur l’autre jambe (atteinte bilatérale possible).
- Exposition tendineuse ou osseuse possible selon les localisations
- Risque d’amputation : exceptionnel mais possible en cas d’évolution défavorable, d’infection profonde ou de perte de substance importante.
Par ailleurs, il n’existe pas de risque dégénératif connu (transformation maligne) associé à l’angiodermite nécrotique.
Combien de temps pour cicatriser ?
La durée de cicatrisation d’une angiodermite nécrotique est variable : elle dépend du terrain, de la précocité du diagnostic, et de la rapidité de mise en place d’une greffe cutanée. Avec une prise en charge adaptée, la greffe permet souvent une cicatrisation en quelques semaines. Sans greffe, l’évolution est généralement lente : plusieurs mois sont parfois nécessaires pour obtenir la fermeture complète de la plaie.
Un suivi spécialisé est recommandé jusqu’à cicatrisation complète pour prévenir la récidive.
Quelle prévention des récidives proposer ?
- Équilibration du diabète et de l’hypertension artérielle
- Crémage régulier des jambes
- Éviter les chocs (protection des jambes)
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Cas cliniques et photos
Sources / Références
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